Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
11 mai 2013 6 11 /05 /mai /2013 00:46

L'article suivant, tiré de la revue Le Magasin pittoresque de septembre 1861 ne parle pas, en dépit de son titre, que des bergers de Kabylie, mais donne d'intéressants renseignements sur l'origine et les moeurs des Kabyles.

Jean-Louis Charvet.

" Les bergers de Kabylie.

"Mon tableau (nous écrit M. Fromentin) n'a pas pour but de représenter un détail caractéristique des mœurs de la Kabylie, pas plus qu'il ne reproduit un endroit déterminé. En montrant un berger qui remonte au lever du jour dans les hauts pâturages, suivant les habitudes matinales des gens de la montagne, j'ai voulu rendre une impression d'heure, de solitude et de lieux élevés, exprimer un certain accord de recueillement et de grandeur entre le site et les allures solitaires de l'homme. Rien de plus."

Mettons à profit toutefois ce tableau, l'un des meilleurs de la dernière exposition, pour noter ici quelques détails sur les mœurs pastorales de la Kabylie.

Remarquons d'abord que la Kabylie n'a point de bergers dans le sens européen du mot. Le Kabyle qui possède des troupeaux mène paître ses bêtes ou les fait mener par un membre de sa famille, à pied ou à cheval. Les bons endroits pour paître sont clairsemés dans l'Atlas; quelquefois, il faut aller loin les trouver dans les monts abrupts, arides, escarpés en précipices. Avant de partir, le Kabyle prépare des provisions: il fait griller à la poêle du blé qu'il réduit en farine entre deux pierres ou bien à la meule de ménage, et met la farine dans un sac en peau de chèvre ou de mouton tannée, teinte en rouge; la couleur du sang est chère aux enfants du Prophète. Quand l'absence doit durer, à cette farine, ou rouîna, il mêle des dattes pétries, et, contre la soif, du beurre. Un sac de moyenne grandeur, en sautoir sur le dos, contient la nourriture de vingt-quatre journées. Des pains ronds et plats, assez semblables à nos galettes, remplacent quelquefois la rouîna. Des dattes et de l'orge grillée, jetées négligemment dans le capuchon du burnous, suffisent au pasteur qui n'a pas à s'éloigner beaucoup. Il n'emporte pas même de chenna, de sac en peau non tannée, goudronné à l'intérieur et sur les coutures, avec les poils en dedans, fermé par une ouverture à patte et renfermant de l'eau de source. La plupart du temps il va pieds nus. Dans la saison des chaleurs torrides (juin, juillet, août), il porte une chaussure appelée torbaga, qui consiste en une semelle de peau de bœuf ou de chameau fixée au pied par cinq ou six ficelles. Pour l'hiver, il y ajoute des bandelettes de vieux burnous enroulées à mi-jambe jusqu'au genou, et ficelées de la même façon.

Sa houlette est un bâton (okkas), arme défensive contre les vipères, les scorpions et les chiens féroces de la montagne. Lorsqu'il amène son cheval aux pâturages, il ajoute aux provisions une part d'orge et de viande pour son compagnon, qu'il aime plus que lui-même. Les Kabyles, race primitive de l'Algérie, ancêtres des Arabes par les Berbères, présentent de singulières analogies avec les anciens Germains et les tribus franques. De même que nos Saliens et nos Ripuaires, ils se divisent en fractions de tribus, réunies entre elles par un lien fédératif. Les dignités et les pouvoirs publics se confèrent en assemblée générale; les élections ont lieu à la fin de l'été, à la mosquée, au marché ou bien au cimetière. Des compensations pécuniaires sont établies pour tous les délits. L'injure verbale se paye un bacita (2fr. 50); un soufflet, deux bacitas; une blessure, cinq bacitas; l'action de coucher en joue sans tirer, vingt bacitas; coup de feu et blessure, cent bacitas. La seule compensation du meurtre est la vendetta. Quand il n'y a pas d'homme dans la famille, la femme kabyle va chercher un vengeur dans une tribu voisine, à prix d'argent, et elle mendie pour payer sa dette. Quand la guerre sainte est prêchée dans la montagne, le Kabyle quitte son troupeau, et le berger devient l'intrépide combattant que nos soldats ont récemment admiré: il ne croit jamais pouvoir demander quartier sans déshonneur."

Partager cet article
Repost0

commentaires

Présentation

  • : Le blog de jlcharvet.over-blog.com
  • : Des poésies, des histoires, etc.....
  • Contact

Recherche

Archives