Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
3 juillet 2010 6 03 /07 /juillet /2010 22:29

Un voyage gastronomique dans le temps.

 

 

Il en faut peu, parfois, pour voyager dans le temps. J'ai acquis au marché aux livres anciens, cours Jean Jaurès, le Livre de recettes culinaires offert par les Établissements Cabassu, rue Bonneterie (face les Halles): 239 pages de recettes, mais aussi de publicités et de textes sur les traditions gastronomiques provençales.

Un livre de culture, celle de tous les jours, d'un mode de vie qui était celui de nos parents ou grands-parents.

Sans date, mais postérieur à 1933.

 

On pouvait alors déguster, notamment dans les cabarets de la Barthelasse, des poissons du Rhône: aloses, ânes (goujons), anguilles, barbeaux, et aussi les écrevisses de la Sorgue, qui précédaient sur ces humbles tables grillades de boeuf, ortolans, becfigues, cailles, perdreaux, accompagnés d'asperges vertes de Lauris, pois fins de Cavaillon, artichauts à la barigoule, avant de terminer le festin par des fromages de pays et des fruits; le tout, bien entendu, arrosé de Châteauneuf-du-Pape.

Des chasseurs audacieux ou téméraires, ou malchanceux, mangeaient macreuses, chouettes, couleuvres, écureuils...

 

Plus exotique, encore, cette mention, suivant la recette de la selle de chevreuil:

 

Le sanglier.

Ainsi que l'ours

 

, se prépare de même, en prolongeant la marinade d'au moins deux jours. Le temps de rôtissage des viandes se rapporte à celui de la viande de boeuf.

Pour terminer cette brève évocation des moeurs culinaires de nos anciens, un menu et deux recettes tirés de ce précieux ouvrage:

 

Hors d'oeuvres variés

Dorades grillées au Fenouil

Haricots verts au beurre

Gigot d'agneau rôti

Pommes sautées

Fromage

Dessert

 

Alose à l'avignonnaise.

Passer à l'huile 700 grammes d'oseille fraîche ciselée, additionnée d'un gros oignon haché, 3 ou 4 tomates pressées et hachées et pointe d'ail écrasé. Assaisonner de sel et de poivre et ajouter finalement du persil haché et une petite poignée de mie de pain fraîche pour lier le tout.

En même temps, faire rissoler l'Alose avec de l'huile dans un plat en terre muni d'un couvercle.

 

 

Bouillabaisse de Morue (pour 10 personnes). Morue à l'Avignonnaise.

Avec 1 décilitre et demi d'huile, faire revenir sans laisser colorer 125 grammes d'oignon, 25 grammes de blanc de poireau et 25 grammes d'ail haché. Ajouter: 1 litre trois quarts d'eau, 5 grammes de sel, 2 grammes de poivre, 10 ou 15 fléchettes de safran et un fort bouquet garni.

Faire prendre l'ébullition, laisser bouillir cinq minutes et ajouter 5 pommes de terre Hollande coupées en grosses rondelles. Au bout de douze minutes, mettre la Morue, soit 2 kilogrammes 500 (choisie et dessalée comme il est dit ci-dessus) coupée en carrés de 4 à 5 centimètres de côté, et un décilitre d'huile. Continuer la cuisson, à ébullition vive pendant un quart d'heure. Quelques secondes avant la fin de la cuisson, jeter dans la Bouillabaisse une cuillerée de persil concassé. Dresser en timbale ou en plat creux. Servir en même temps, sur un autre plat, des tranches de pain rassi, frottées et humectées de court-bouillon de la Bouillabaisse.

 

 

Bon appétit!

Jean-Louis Charvet, décembre 2007.

Partager cet article
Repost0
30 juin 2010 3 30 /06 /juin /2010 00:52

Condamné pour avoir baptisé un enfant juif.

 

Dans le journal de Joseph-François-Agricol Arnavon, chanoine de Notre-Dame la Principale à Avignon, on trouve la curieuse anecdote qui suit:Le 11 avril 1767 on a fait passer aujourd huy par la ville un maçon qui avait baptisé un petit juif il était monté sur un ane le corps demi nud avec cette inscription devant et derriere pour avoir baptisé un juif les sbires l'accompagnaient.

Quel était le fondement de cette condamnation?

Dans les archives de l'Inquisition conservées aux Archives départementales de Vaucluse, j'ai trouvé le texte suivant:

Nous Jean Baptiste Mabil, docteur ès Sainte Théologie, de l'Ordre des Frères Prêcheurs, inquisiteur général de la foy dans Avignon et tout le Comtat Venaissin,

En exécution des ordres supremes de Notre Saint Pere le Pape Clement XIII heureusement regnant, et au nom de la Sacrée Congrégation du Saint Office de Rome, à nous adressés par lettre de Son Eminence Monseigneur le Cardinal Cavalchini, en date du dix huit janvier dernier,

Ordonnons être faites très expresses inhibitions et défenses par criées publiques et son de trompette précédent, et par affiche publique des copies des présentes, aux places et lieux accoutumés de la présente ville d'Avignon et de toutes les villes, villages et bourgs du Comtat Venaissin, de même aux places et portes des carrières et sinagogues des juifs de la présente ville, des villes de Carpentras, Cavaillon et Lisle, à tous les habitans de la présente ville, des dites villes, villages et bourgs, tant chrétiens que juifs, de baptiser les enfants juifs, ni se jacter, ou menacer de les baptiser, ou menacer ou de dire de les avoir baptisés, sous peines corporelles, même de la galere, pour les hommes, et du fouet par les rues publiques pour les femmes, encourables sans aucune rémission par tous ceux qui oseront baptiser les dits enfants juifs, ou se vanter ou menacer de les baptiser, ou menacer et de dire de les avoir baptisés;

voulant et ordonnant que telle publication et affiche publique servent de personnelle intimation.

Donné à Avignon dans le palais du St Office le 8 mars 1764.

Il est à croire que ce texte ne fut pas rigoureusement respecté, puisque, en exécution des ordres du pape Pie VI, l'inquisiteur Mabil publia une ordonnance similaire le 20 mars 1776.

Deux remarques sur ce fait divers singulier et l'interdiction de baptiser les enfants juifs:

- à une époque durant laquelle le jugement des affaires pénales n'était pas public, et où les journaux n'avaient qu'un faible tirage, le caractère public de leur exécution avait pour but l'exemplarité des peines; celle appliquée au maçon, pas très cruelle, est de celles qui, comme le carcan, l'exposition publique, l'amende honorable jouent, si l'on peut dire, sur le sentiment de honte que devaient éprouver les condamnés;

- on peut s'étonner de ce qu'il soit fait interdiction de baptiser les enfants juifs; après tout, pour un chrétien convaincu du bien-fondé de sa foi, désireux de faire parvenir au salut éternel tout homme par la conversion à sa religion, n'était-ce pas un devoir de baptiser les juifs, ou de les convaincre de se convertir? Les papes, semble-t-il, préféraient la paix avec la communauté juive, en interdisant qu'on baptise leurs enfants.

Jean-Louis Charvet.

 

 

Partager cet article
Repost0
27 juin 2010 7 27 /06 /juin /2010 19:35

Aix en Provence, 12 mai 1986.

 

 

Le théâtre.

 

 

Des planches, un rideau,

Une table, deux chaises,

Une étoffe trouée qui sera un manteau,

Une bougie, un coffre,

Une étoile accrochée par un clou à la cimaise,

Le décor est en place et n'attend que les mots.

 

 

Ceux-ci, depuis un siècle ou deux,

Font cure de jeunesse.

Chaque auteur les rafraîchit de l'eau

De son coeur, de sa voix, de son corps.

Quand les lustres s'éteignent, que la rampe s'allume,

Ils s'incarnent et le sot

Qui croit se jouer d'eux

En devient le jouet.

 

Ils rendent grave le jeune écervelé,

Mettent aux joues des femmes de plus de quarante ans

Le feu qu'elles croyaient enfoui

Sous le voile pudique de leur sensibilité

Artistique.

 

 

Les mots gagnent la salle et reviennent en rires

Ou en silences lourds, en soupirs, en musique.

La voix devient un souffle entre cour et jardin,

Entre parterre et scène

Comme un baiser lointain qu'échangeraient des anges.

 

 

Et le rideau velours cramoisi se suicide.

En tombant il renvoie vers la clarté acide

De la rue Célimène, Pyrrhus, le souffleur.

Je les suis.

 

 

Jean-Louis Charvet.

 

 

 

Partager cet article
Repost0
27 juin 2010 7 27 /06 /juin /2010 19:31

Venise, mercredi 22 janvier 1986.

 

 

Vert de gris, jaune paille, rose parme,

Tes couleurs n'osent pas exploser;

A tes noirs même, comme les Carmes,

Tu ajoutes une goutte de lait.

 

 

Tes lions débonnaires ont l'air

De s'ennuyer,

Et parfois ils se lèvent et vont vers

Le canal pour s'y vérifier.

 

 

Tes palais enruinés se poussent du mur;

Leur jeu dure des siècles.

Je ne suis pas si sûr

Qu'ils soient parfaitement honnêtes.

On en a même vu un

Qui s'est laissé tomber

Pour entraîner au bain

Un temple mal élevé.

 

 

Ici on porte encore, on porte les cageots,

Les colis et les morts, sur les bras,

Sans auto.

Les plus vaillants garçons ont sur la tête des

Grands couffins d'oranges sur un coussinet.

 

 

Les chiens ont muselière, levée ou abaissée,

Suivant l'humeur du maître,

Ou comme leur patte arrière,

Suivant le temps qu'il fait.

 

 

La fantaisie règne, comme dans ces vers;

Tout est un peu bancal.

On ne s'étonne pas si, pour aller à un autre

D'un point,

Le pavé en zigzags de la place St Marc

Est le plus court chemin.

 

 

Jean-Louis Charvet.

 

 

 

Partager cet article
Repost0
25 juin 2010 5 25 /06 /juin /2010 00:46

Sur une "tradition" méridionale: la tauromachie.

Les partisans de la tauromachie, la loi française elle-même font de la tradition "ininterrompue" un argument pour défendre et pérenniser un spectacle qui révolte de plus en plus de personnes.

C'est oublier que la tradition de la mise à mort n'est, dans le midi de la France, ni générale, ni ininterrompue.

A Avignon, étaient parfois organisés, au XVIII° siècle, des combats mettant en scène des taureaux; ainsi, en 1769, des hommes s affrontèrent, dans lenclos de Saint-Roch, à des « bœufs de Camargue » à la queue desquels étaient attachés des chats; ainsi, en 1771, dans la cour de lhôtel de Villeneuve (actuellement musée Calvet), des taureaux combattirent des dogues anglais; furent également exposés aux assauts de ces molosses un ours, un loup et un petit cheval prussien.

Les jeux taurins prirent leur essor au XIX° siècle; ils avaient lieu dans les quartiers de Bagatelle, de Champ-Fleury, du Blanchissage, dans les îles Piot et de la Barthelasse.

Se succédèrent périodes d interdiction, dautorisation, de tolérance. La course à la cocarde apparut sans doute vers 1830. Cest à la fin du XIX° siècle que les courses de taureaux prirent la forme qui est la leur aujourdhui.

En 1853, le ministre de l intérieur autorisa les courses au sud dune ligne reliant Bordeaux à Avignon.

La passion pour la tauromachie ne fit que croître; pour en montrer l importance, on notera que, par exemple, entre 1886 et 1890, une dizaine de corridas avaient lieu chaque année dans les arènes de Bagatelle.

Les mauvais traitements infligés aux taureaux ne laissèrent pas indifférente une partie de la population; ainsi, dans le numéro de septembre 1860 du Bulletin mensuel de la Société protectrice des animaux, trouve-t-on cette description, manifestement empreinte de réprobation, d une course donnée à la Barthelasse:

Dans un cirque en planches mal construit, pouvant contenir mille à douze cents personnes, sept ou huit cents spectateurs, peu de dames, mais des hommes, des jeunes gens, enfants de quatorze à quinze ans, applaudissaient lorsque je suis arrivé, une cinquantaine d individus armés de bâtons plus ou moins gros qui tapaient sur une pauvre petite génisse et un grand taureau vieux et efflanqué pour les faire courir; à chaque coup de bâton bien appliqué, la joie était générale venait la ferrade que tout le monde attendait et réclamait avec impatience On ma expliqué que lon plaçait un bouquet sur la tête du taureau et quune récompense était donnée à qui sen emparerait et le terrassait alors un homme monté sur un cheval et armé dune longue lance à deux pointes savançait près delle (la génisse) et la lui enfonçait dans le flanc trois ou quatre fois la même chose recommençait la bête faisait entendre des cris plaintifs

La Société protectrice des animaux ne fut pas seule à s'élever contre ces pratiques barbares; l'Église catholique le fit également. Dans un mandement adressé en 1865 aux fidèles de son diocèse, Monseigneur Plantier, évêque de Nîmes, écrivait notamment:

Qu'on ne dise pas que la foule se précipite aux Arènes pour contempler l'adresse, l'agilité, la force et le sang-froid des toréadors; les blessures ou les cris des taureaux ont plus de charme pour elle que toute l'habileté de leurs agresseurs. Si l'athlète surtout est meurtri, l'enthousiasme et le bonheur débordent. On frémit sans doute de voir souffrir; mais on s'enivre de cette torture. L'aspect d' une plaie entr'ouverte, la pourpre du sang qui coule exercent sur les yeux les plus irrésistibles des fascinations, et si vous examinez bien le moment où la foule tressaille avec le plus d'exaltation sur ces sièges séculaires, vous verriez que c'est ordinairement quand un coup plus sinistre que les autres vient d' épouvanter l' arène.

Et l évêque tenait ensuite les propos suivants, que l'on qualifierait peut-être aujourd'hui de misogynes:

Elles

(les femmes) savourent avec une sorte de volupté fébrile les émotions excitées en elles par les incidents plus ou moins sinistres dont elles sont les témoins, elles agitent les bras, elles poussent des cris aux instants solennels avec une fougue, des élans, et, si j'ose le dire, des convulsions qui révèlent quelles fumées le sang répandu fait monter à leur tête; et c'est bien à elles qu' il appartient de démontrer que les amphithéâtres excitent l'intérêt jusqu'à la fureur. Ces reproches sont sévères, mais il fallait bien venger l

humanité, la science et la religion outragées par ces scènes de carnage.

Monseigneur Plantier ne faisait que mettre en pratique les instructions que le pape Pie IX lui avait adressées en 1858:

... Ne cessez point de persuader au pouvoir civil que les jeux du cirque sont en complet désaccord avec les sentiments d'humanité bien connus de la nation française.

...

Le pape Pie V, dans son encyclique De salute gregis (1567), avait déjà condamné les courses de taureaux:

Considérant que ces spectacles où taureaux et bêtes sauvages sont poursuivis au cirque ou sur la place publique sont contraires à la piété et à la charité chrétienne, et désireux d’abolir ces sanglants et honteux spectacles dignes des démons et non des hommes (…) à tous et chacun des prince chrétiens, revêtus de n’importe quelle dignité, aussi bien ecclésiastique que profane (…) Nous défendons et interdisons, en vertu de la présente Constitution à jamais valable, sous peine d’excommunication encourue ipso facto, de permettre qu’aient lieu (…) des spectacles de ce genre où on donne la chasse à des taureaux et à d’autres bêtes sauvages.

Nous interdisons également aux soldats et autres personnes de se mesurer à pied ou à cheval,dans ce genre de spectacle, avec des taureaux et des bêtes sauvages. Si quelqu’un vient à y trouver la mort, que la sépulture ecclésiastique lui soit refusée. Nous interdisons également, sous peine d’excommunication, aux clercs aussi bien réguliers que séculiers (…) d’assister à ces spectacles (…) Nous ordonnons à tous les princes (…) d’observer strictement toutes les clauses prescrites ci-dessus (…) nous ordonnons à tous nos vénérables frères archevêques et évêques , de publier suffisamment en leurs diocèses respectifs la présente lettre et de faire observer lesdites prescriptions… »

Les instructions de l'Église visaient à protéger l'animal, mais surtout la dignité de l'homme, que, selon elle, l'assistance à de tels spectacles ne pouvait qu'avilir.

Il ne m'a pas semblé inutile de les rappeler.

En effet, il n'y a pas si longtemps, les 26 janvier 1986 et 25 janvier 1987, furent organisées à Avignon deux corridas portugaises; M. Thomas, président de la Société protectrice des animaux vauclusienne, a eu l'obligeance de m'adresser copie du jugement qui fut rendu à cette occasion par le tribunal correctionnel d'Avignon, le 2 mars 1989: le tribunal condamna M. X à 5000 francs d'amende pour complicité d'actes de cruauté envers un animal domestique ou assimilé, et à verser 8000 francs à la Société protectrice des animaux vauclusiennes, et un franc à chacune des associations suivantes: l' Oeuvre d'assistance aux bêtes d'abattoir, la Ligue française des droits de l'animal, la Société nationale pour la défense des animaux et l'Assistance aux animaux; M. X fit appel de ce jugement qui fut confirmé par la Cour d'appel de Nîmes par arrêt du 17 octobre 1999 (M. X s'était désisté de son appel).

Les juges avignonnais motivèrent leur jugement en établissant que d'une part la corrida portugaise constitue des actes de cruauté de par l'emploi des instruments utilisés, d'autre part qu'il n'existait pas à Avignon une tradition tauromachique ininterrompue.

Jean-Louis Charvet.

 

 

Partager cet article
Repost0
25 juin 2010 5 25 /06 /juin /2010 00:41

Voyage en Italie.

Mai 1994.

 

Dans le compartiment (italien) de mon train, quatre reproductions de dessins anciens. Le dessin de Carrache: trois baigneuses ou baigneurs dans un bois, Cézanne, Locardi.

Dehors, dans le ciel, des morceaux d'arc-en-ciel rectangulaires sur fond gris, soleil blanc, nuages gris foncé.

 

Ventimiglia. Arrêt 1 h. Farinata 4000 lires.

 

Le lundi au soir. Vin BARBERA rouge (frizzante 11,5%. Tata-Tata, le snack où je dîne; très propre, carreaux grisés, miroirs dorés très oblongs sur tous les murs donnent de l'importance à ce local situé au bord d'une route bruyante le patron ? petit gros 30 ans ? belle moustache sur corps enveloppé, le pizzaïole maigre 23 ans? assassin qui tuera un jour le patron pour récupérer le fonds. La fille - qui- ramasse- les -miettes, sorte de cette actrice américaine dont je ne me rappelle plus le nom, ah oui! Barbara Streisand, connasse magnifique par l'émotion qu'elle dégage. A mon entrée, 2 hommes seuls, 1 (déjà parti), genre Aiglon rouquin, petit doigt en l'air en buvant, trépignant du popotin en sortant, l'autre devant moi, macho, normal, 35 ou 40 ans, lisant le journal, blouson rouge, pourquoi est-il là? et un couple entre deux âges, plus près du troisième, lui tout gris, cheveux, lunettes, pull, elle, évidemment noir et or, les couleurs du faux luxe, Marseille. Puis un trio, un couple et un veuf? espèce rare, d'âge archicanonique très bien comme il faut dans leur simplicité. Et l'écriture automatique, malgré tout contrôlée, s'arrête avec l'expresso que le patron appelle caffé.

1° dîner à Piacenza.

Qu'il est bon! un autre e il conto!

La serveuse, je ne l'avais pas remarqué, a une toque et un gilet assortis, écossais brillant et une jupe noire. Pas plus chic tu meurs! Et c'est chic.

Du riz dans le sel.

A la place du macho, parti il y a dix minutes, vient de s'asseoir un grand jeune, genre contrôleur SNCF le visage aquilin et doux à la fois.

Addition 18.000 lires. Je vais m'en aller.

 

20 mai 1994. Grande statue de vierge dorée: TORTONA.

 

21 mai 1994.

- Les Français à Pavie (revue TICINUM 1939 XVII). Musée de Pavie MISC 8 1051. Article de G. FRANCHI en fait seulement sur la réouverture de l'Université (22 octobre 1796) qui aurait été fermée le 28 avril. Textes de proclamations, description de la cérémonie de réouverture.

- S.P. II 195. Il castello Visconteo di Pavia 1/ 1360-1920. Memorie e immagini. 1991. Reproduction de 7 gravures de la ville et du château de Pavie à l'époque napoléonienne. Le château servait d'arsenal. En particulier plan du château par le général de division LACOMBE.

- Pavia Ambiente Storia Cultura. Comune di Pavia. Istituto geografico de Agostini. S.P. I. 79. Les troupes françaises entrent dans Pavie le 13 mai 1796. Désordres le 23 mai; les paysans obligent la garnison française à se réfugier au château. Mais la révolte est noyée dans le sang. La République Cisalpine est fondée en 1797, Pavie devient chef-lieu du département du Ticino, puis sous-préfecture du département dell' Olono sous la république italienne et le royaume d'Italie qui suivirent (1802-1805); entre temps, occupation des Russes du général Suverow durant la contre-offensive anti-française.

En mai 1805, allant se faire couronner à Milan, Napoléon s'arrête à Pavie et assiste à une leçon à l'université.

14H. A la terrasse du café à côté du restaurant où je déjeune (vin blanc LUGANA 92 blanc assez bon), le patron (?) passe régulièrement en frappant le sol avec une tige en fer pour chasser les pigeons qui, pourtant, ne sont pas si nombreux.

A la bibliothèque du château, tout à l'heure, trois grandes salles de bibliothèques et une salle de photothèque, après que j'aie demandé aux bibliothécaires s'ils avaient des livres ou documents sur Pavie durant "l'occupation française", une bibliothécaire m'a apporté successivement les trois livres que je mentionne plus haut, et ce très aimablement.

Ceci pour aller contre la première image que j'ai vue de Pavie en y arrivant: celle d'un homme, jeune, qui, sur un ponton du Ticino, baissait son short pour montrer ses fesses aux passagers du train dans lequel j'étais.

J'écris d'une pizzeria sur une grande place rectangulaire (au-dessous il y a un marché alimentaire couvert). Très peu de voitures dans cette ville, beaucoup de vélos montés parfois par des hommes, jeunes ou vieux, en costume. J'ai bien choisi ma ville, universitaire et noble, bien située. La place fait un grand rectangle, est pavée principalement de petits galets, avec, de ci de là, des lignes de pavés plus gros.

Pour moi l'Italie est toute entière là, sur cette place, une civilisation urbaine dans laquelle vivent des citoyens. La lecture du journal à laquelle je m'astreins, bien que je ne connaisse pas bien l'italien, me le confirme. Hier, par exemple, sur le journal local, figurait la fin de la liste du dernier contingent des jeunes de Pavie; après chaque nom, sa date de naissance et son affectation. Ainsi, de même qu'à travers les notices nécrologiques, très détaillées et pleines d'enseignements, chaque citoyen est-il en mesure de participer, comme dans un petit village, à la vie locale, par la connaissance approfondie qu'il en a. Les faits divers sont aussi décrits avec un luxe de précisions qu'on ne trouve pas en France.

Sur la place que je vois est peut-être passé François I°, capturé aux alentours par les Espagnols en 1525.

L'histoire de la ville, d'après ce que j'en ai appris depuis hier soir, est d'une grande complexité; soumise aux Espagnols, aux Autrichiens, aux Français, voyant même des troupes russes l'occuper durant les guerres napoléoniennes, combien de bâtards a-t-elle élevés, naturalisés par la suite, car l'annuaire du téléphone ne porte presque que des noms italiens?

Ma prochaine visite, tout à l'heure, le cimetière. Ces lieux, d'ordinaire, donnent assez fidèlement une description de la ville dont ils accueillent, pour longtemps, les citoyens.

Y trouverai-je des français de l'époque napoléonienne?

 

Rien de français dans ce cimetière construit en 1879, monumental, entouré de galeries voûtées abritant les tombeaux des familles les plus riches; parmi eux, deux portant, pourquoi?, des décors égyptiens, l'un avec même des inscriptions en hiéroglyphes. Beaucoup de photos, un certain nombre datant de la fin du XIX° siècle. A l'entrée, un gardien me demande, hélas, de ne pas prendre de photos.

 

Archivio di Stato, via CARDANO près S. Teodoro.

 

Crespelle agli spinacche, crêpes aux épinards XXX (entre crêpe et omelette fourrée aux épinards et à la brousse; farine de maïs?).

Dîner dans sorte de snack, nom plus loin, pizza au mètre marqué à l'extérieur. Ambiance familiale, tous âges confondus. Musique disco lancinante mais, ce soir, ça passe, grâce à un vin en pichet de la maison, blanc, un peu pétillant; servent en salle deux hommes, sans doute le père et le fils, vu leur chevelure identique, blonde, bouclée comme la laine des moutons. Au bar une jeune femme et un jeune homme. Dehors, quatre jeunes, dont 3 à queue de cheval.

 

21H15. Homélie du cardinal (?) archevêque de Pavie au Dôme. Messe de la veille de Pentecôte (samedi soir); deux petites hystériques n'arrêtent pas de parler et de rire. Elles sont rejointes par deux petits garçons d'environ 13 ans, ce qui augmente leur excitation. Elles sortent, heureusement, avec eux. Plus tard, ils reviennent, accompagnés d'un gamin, sans doute tzigane, qui faisait la manche tout à l'heure aux terrasses; le prêtre qui surveille l'entrée les fait sortir.

Voghera. Fête de Saint BEUVON?. Jour de la Pentecôte. J'y ai été attiré par un article du journal local, la Provincia Pavese, qui annonçait cette messe. San Bovo naquit au X° siècle à Noyers sur Jabron, village de Haute Provence, et mourut à Voghera en retournant d'un pèlerinage à Rome en 986. Depuis 1986, une délégation de son village natal participe à sa fête. La cérémonie était fort belle, animée par une chorale, très professionnelle, dirigée avec exactitude et comptant une très belle basse qui chanta un ou deux airs en soliste.

 

Archives de Pavie. 700 fasc. 2. Prigioneri francesi et cisalpini 1799 maggio, giugno, fasc. 3, notamment rixes entre étudiants et soldats français.

 

" Pavia cisalpina e napoleonica 1796/1814. Saggi et notizie da documenti inediti". Gianfranco E. de Paoli. Pavia. 1974.

 

Armée d'Italie.

N° 700. Le 1° pluviôse an VII, le général Laporte, chef de bataillon commandant la place aux citoyens composant la municipalité de Pavie les informe d'avoir égard à l'avenir à tout ce qui sera signé du citoyen BOUCHARD, son secrétaire, comme de lui.

 

Le 26 nivôse an VII, le commissaire du pouvoir exécutif près le département d'Olono à la municipalité de Pavie: on recherche Carlo GAURIGNON, français.

 

Le 25 nivôse an VII, circulaire sur les émigrés français expulsés du Piémont qui pourraient se réfugier en République Cisalpine.

 

A la noble administration de la ville et province de Pavie. Commission

Comme le prisonnier de guerre Girard, chef de l'Etat-major de la garnison d'Ancône, s'est adressé à la Commission des échanges pour la prier de s'intéresser à ce qu'il puisse récupérer les chevaux et équipages que son domestique lui a volés ce matin;

Comme nous nous adressons à cet effet aux commandants militaires de ces environs, nous prions la noble administration de la ville et province de Pavie de vouloir bien employer tous les moyens qui sont en son pouvoir pour découvrir les traces du voleur, pour le faire arrêter et traduire ainsi que les chevaux au lieu de détention ici à Pavie et d'en donner avis à la susdite commission.

Nous avons l'honneur de joindre ici le signalement de l'homme et celui des chevaux.

Pavie le 14 décembre 1799. Soussigné le baron de LEGIFFELD? Lieutenant-colonel.

Signalement. Bastien, âgé d'environ 28 ans, taille 5 pieds 1 pouce environ, piqué de la petite vérole, nez écrasé, teint bigarré et brun, vêtu en pantalon, drap bleu, chapeau rond, avec une jument bayë, courte queue, tête brusquée, marquée au front d'une tache blanche, sellée à la hussarde, un petit cheval hongrois à tout crin, sellé d'une selle de velours cramoisy.

 

Mai 1799. Joseph MICHEL, français, habitant Pavie depuis plus de 2 ans, marchand de vin, souhaite continuer à habiter à Pavie et supplie la municipalité de lui accorder la "carte di sicurezza".

 

Pietro COLOMBETTI atteste héberger dans sa maison sa fille Thérèse, mariée à un français, François LALOUBIR, employé comme vivandier dans l'armée française, déterminé à s'établir dans cette cité de Pavie, ne voulant pas que sa femme abandonne sa patrie. Pietro Colombetti, paroisse de St Gervais et St Protais, nella corrada delli angioli, N° 120. 3 mai 1799.

 

Certificat d'hébergement donné par Pietro GALLIANI? , boucher, à Girolamo SORQUET, français, boucher depuis l'entrée des français à St Joseph. 3 mai 1799.

 

Les nommés JULLIEN de Pertis en Provence et Pierre HUTRE (?) d'Aups en Provence, tous deux émigrés français au couvent de Ste Croix, vous supplient, messieurs, de vouloir bien leur accorder la grâce de sortir accompagnés de M. HERBE? ou de tout autre qu'il vous plaira pour nous munir des habillements nécessaires à l'usage de ce pays.

 

30 avril 1799. De JOSSERAND, fils aîné, à la commune de Pavie:

J'ai l'honneur de vous faire aujourd'hui ma déclaration pour ne pas compromettre personne que je suis encore dans votre ville plein de confiance de vos fidèles sujets et de reconnaissance. Je suis de Toulon émigré français faisant profession de foi à la religion chrétienne plein d'amour pour mon Roi et regrettant sa perte, mes biens, ma fortune dilapidée, errant pour me soustraire à la persécution, cherchant un généreux délibérateur ou la mort. Votre très humble et soumis.

 

Armée d'Italie.

Egalité. Liberté.

Agence militaire.

Pavie le ..., l'an 4 de la République française une et indivisible.

Le préposé de surveillance de la province de Pavie aux officiers municipaux de Pavie.

J'ai reçu, citoyens, votre lettre au sujet des cloches et je l'ai fait parvenir tout de suite aux commissaires du gouvernement; mais quelque desire que j'eus de voir réussir les différents objets de vos demandes, je n'augure pas que cette derniere aye le succès que vous voudriez. Je crois que les raisons qui ont décidé le gouvernement français à cette mesure ne leur permettront pas de la révoquer; et quelque soit votre zèle pour le bon ordre, quelque soit même la sagesse de la presqu'unanimité des citoyens de cette commune, on ne peut abandonner les règles de la prudence, en confiant à nos communs ennemis des armes dont ils pourraient abuser, pour attirer de nouveaux malheurs sur votre ville.

Je sais que l'intention du gouvernement français et de ses agents n'est point de troubler les opinions religieuses et de gêner le culte qui vous plaît mais, citoyens, vous êtes trop éclairés pour confondre la religion avec ses accessoires. Les cloches ne sont guère ...?... ,un ornement; attaché d'abord par nécessité et ensuite par luxe et dont on peut aisément se passer en trouvant d'autres moyens de ralliement pour les assemblées chrétiennes. L'Église a subsisté plusieurs siècles sans cloches. Les mahométans, aussi religieux que nous, n'en usent pas. Les catholiques français qui exercent leur religion s'en passent et leur office ne s'en fait pas moins. L'essentiel de cette religion que Dieu nous adonnée est qu'on s'aime entre frères et qu'on conserve cette union, ce désintéressement, ce respect pour le gouvernement qui seuls maintiennent la société et honorent l'être suprême. C'est par là que cette religion est vraiment divine, tout ce qui n'est pas cela n'est que l'ouvrage des hommes et peut être retranché sans abus; souvent même ce retranchement est nécessaire, pour conserver le vrai esprit de la religion qui est l'ordre public.

Au reste, cette suppression des cloches n'empêchera point le peuple de continuer librement et tranquillement ses exercices de piété et si quelque esprit pernicieux venait à lui donner des inquiétudes à ce sujet, je ne doute pas que vous n'emploieriez toute l'influence méritée que vous avez sur luy pour la dissiper en l'éclairant par vos proclamations.

Salut et fraternité.

Signé A.F? BAUVINAY.Non datée, mais du 1° complémentaire de l'an IV ou du 30 fructidor.

 

Jean-Louis Charvet.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Partager cet article
Repost0
9 juin 2010 3 09 /06 /juin /2010 01:12

 

 Une affaire criminelle en Beaujolais en 1616.

 

Le 16 avril 1616, Nicolas Brigand, maître-chirurgien à Villefranche, se présentait devant Claude Labbes, Lieutenant des Connétables et Maréchaux de France au pays de Beaujolais, pour l'informer de ce qu'il avait été appelé la veille au chevet de Noble Antoine d Aguot, Sieur de Montgiraud, fils de Noble Jean d Aguot, Sieur de Champrenard; son patient aurait été gravement blessé par deux individus.

Le magistrat, accompagné de ses archers, Chevellieres et Demonceaux, de maître Geoffroy Chassins, avocat, son assesseur, et de Thomasson, son greffier, se rendait aussitôt sur les lieux, en la paroisse de Place; le blessé, atteint dune grande fièvre, put cependant lui raconter les faits dont il avait été victime le samedi précédent, Samedi-Saint:

alors que vers dix ou onze heures du soir il allait entrer dans son premier sommeil, il avait vu pénétrer dans sa chambre, appelée chambre des pies, Fleury Michelon et Claude Feroier, domestiques de son père; l un lavait saisi au gosier, lautre lui avait porté plusieurs coups de poignard, dont il était résulté neuf plaies au dos, au bras et au côté gauche; il avait vu ses agresseurs prendre ensuite les habits de soie qu'il avait fait mettre sur la table pour le lendemain, jour de Pâques, ainsi que son chapeau de castor et autres vêtements, puis s'enfuir; malgré ses blessures, il avait pu donner l'alerte, mais il n'avait pas été possible d'arrêter les voleurs.

Le magistrat entendait aussitôt:

- Etienne, frère de la victime, âgé de quinze à seize ans, qui avait été réveillé par les cris d Antoine, dont il partageait la chambre; il n'avait rien vu, mais déclarait que ces deux domestiques avaient déjà fait plusieurs larcins au préjudice de leur père, tant de poules que de coq-dindes et avaient rompu des bouts de fer de l'entrée de la cave, pour voler le vin;

- Jeanne Rollet, native de l'Ecluse en Savoie, âgée de cinquante-cinq ans, domestique du Sieur de Champrenard, n

avait pas non plus été témoin oculaire des faits.

Sur les réquisitions de Mignot Fiot, Avocat du Roy, Labbes rendait le 17 avril une ordonnance de prise de corps, équivalent du mandat d arrêt daujourdhui.

Dès le 5 mai suivant, il pouvait procéder à l interrogatoire de Fleury Michelon, assisté de Geoffrey Chassins, Conseiller du Roy, son assesseur criminel, et de son greffier; Michelon avait été arrêté à Chazey; âgé d'environ vingt-quatre ans, il disait être natif de Saint Martin, dans le haut-pays lyonnais, être laboureur et exercer depuis peu le jardinage; il avait eu plusieurs maîtres, avant d'entrer au service des Aguot six mois auparavant. Il mettait en cause Claude Pichon, dit Feroier, palefrenier ou valet d'étable originaire dUzarche près de Paris, comme instigateur du vol; cest son comparse qui avait blessé le jeune Aguot, et avait pris tous les vêtements, nhésitant pas un peu plus tard à revenir dans la chambre y prendre dautres effets. Il disait quils sétaient ensuite rendus du côté de Lyon et quils avaient dormi dans un bois près de Morance; à son réveil, il avait découvert que Pichon lavait abandonné; il sétait ensuite rendu à Vienne, où il avait été arrêté au lieu de l'Iserable.

Le magistrat envoyait Michelon en prison. Le 6 mai, il procédait au second interrogatoire de l'accusé, après avoir, le 4, confronté ce dernier avec Etienne d'Aguot et Jeanne Rollet; une confrontation était également organisée entre l'accusé et M. de Montgiraud.

Après que les parties civiles et l'avocat du roi aient pris leurs conclusions écrites, la sentence définitive était rendue et Michelon exécuté, après avoir, sous la question, avoué avoir tué son compagnon Claude Pichon.

On trouvera ci-dessous le texte de la sentence définitive, suivie du procès-verbal de mise à la question puis de l'exécution de Michelon:

Entre Jean de Aguot, Sieur de Champrenard, et Antoine de Aguot son fils, Sieur de Montgiraud, escuyers, joinct le Procureur du Roy, demandeurs et accusateurs d'une part, et Fleury Michelon deffendeur et accusé d'autre.

Veu par nous David Thomasson, Prevost de nos Seigneurs les Mareschaux de France au pays de Beaujolais, la dénonciation faicte par lesdits père et fils de Champrenard, par devant nostre Lieutenant et Greffier, le seziesme Avril dernier, mil six cents seize, signé Montgiraud, Champrenard, Labbes Lieutenant, Thomasson Greffier, Chamelieres & Demonceaux Archers, l'information estant au bas de trois tesmoins signé Labbes Lieutenant, Chassins assesseur, Cusin commis, avec la commission obtenüe de nostre Greffier pour adjourner tesmoins aux fins de deposer, et apres estre recolez et confrontez si de besoin dudit jour quatriesme May, signé Cusin commis, avec l'exploit à dos signé Chamelieres et Demonceaux: responces personnelles dudit Michelon, et les repetitions du mesme, signees Labbes, Chassins assesseur, Cusin Commis, le rapport de maistre Nicolas le Brigand Chirurgien, d'avoir peansé et medicamenté ledit sieur de Montgiraud de ses blesseures du quinziesme Avril, de luy signé: le recol et confrontation des tesmoins ouys esdites charges et informations audit Michelon, des quatre et cinquiesme May, signé Labbes Lieutenant, Chassins Assesseur, Cusin Commis, ensemble la confrontation dudit sieur de montgiraud audit Michelon, dudit cinquiesme May, signé par les susdits & Montgiraud, le proces verbal faict par maistre Claude Pipin Juge des terres de l'Iserable, et de Chasey, contenant la capture dudit Michelon, signé Pipin, Fanel Procureur d'Office, Mercier Greffier, les conclusions des parties civiles, signées Boyron, conclusions des gens du Roy, signées Fiot, et Mignot, eu l'advis et conseil des Sieurs Assesseurs soussignez pour cest effect ce jourd huy par nous assemblez en la chambre du conseil.

Nous, de l advis diceux, avons dit et disons que ledit Fleury Michelon est deuëment attaint et convaincu davoir le Samedy, vigile de Pasques derniere, de propos deliberé, avec ledit Claude de Luzarche son complice, aydé à poignarder ledit sieur de Montgiraud, à heure nocturne, dans son lict, en la maison dudit sieur de Champrenard son maistre, estant à ces fins entré dans sa chambre, laquelle ils aurayent depuis eschelee avec un brancard de charrette, prins et volé ses habits, apres avoir blessé ledit sieur de neuf divers coups de poignard, et de là pris la fuitte.

Pour reparation et amendement dequoy, nous avons condamné ledit Fleury Michelon à estre prins par l'executeur de la hauste Justice, mené et conduit en la place publique, appellee la peschiere de cette ville de Villefranche, et illec sur un eschaffaut, lequel pour cet effect y sera erigé, avoir les bras, cuisses, jambes, et reins rompues, et mis sur une rouë, pour y demeurer tant qu'il plairra à Dieu le laisser vivre, et apres qu'il aura expiré, sera son corps porté aux fourches patibulaires de cette ville, sur le chemin tendant à Lyon, sur la mesme rouë, pour y demeurer tant qu'il sera en estre, et l'avons condamné envers le Roy en l'amende de cent livres, et en deux cents livres envers parties civiles, avec despens de la procedure criminelle, la taxe à nous reservee, et avant estre delivré à l'executeur, sera conduit par nos Archers en la Chambre criminelle, pour estre appliqué à la question ordinaire et extraordinaire, pour avoir revelation de ses fauteurs, complices, receleurs de ses larcins, et de la mort de son complice; signé Thomasson, Bellet Assesseur, Chassins Assesseur, Le Brun Assesseur, Rolin Assesseur, Delapraye Assesseur, Godard Assesseur, Dephelines Assesseur.

Prononcé au Procureur du Roy, qui a requis l'execution de ladite sentence, et audit Michelon en l'auditoire Royal du Baillage de Beaujolais, en presence desdicts sieurs Assesseurs, et à l'instant a esté ramené ledit Michelon en la chambre criminelle, où l'avons fait attacher aux cordes destinees à la question, et estant estendu à la renverse sur le banc à ce requis, les cordes attachees aux pieds et aux mains, au premier traict de corde.

Interrogé qui luy avait donné conseil de faire les larcins qu il a commis en la maison du sieur de Champrenard.

- A dit que personne ne l avait conseillé que ledit Claude son complice.

- Qui en estaient les receleurs.

-A dit personne vivante.

-Qu est devenu ledit Claude son complice.

-A dit qu il ne sçait.

-S il ne la tué dans le bois, où ils dormirent la nuict quils senfuirent avec les choses desrobees.

-A dit que non.

Avons faict donner le second traict de corde, auquel ledit Michelon a exclamé:

-ô Dieu, je suis mort!

Interrogé comme il serait vray-semblable que son complice se fust mis en tel hazard d'assassiner ledit sieur de Montgiraud, emporter la plus grande partie de ses habits quatre grandes lieues loing; et qu'apres il eust abandonné ledit accusé, et n'eust emporté aucune chose de tout ledit larcin, ce qui estait tres-apparent, en ce que ledit accusé avait été trouvé saisi de tout ce qui avait été desrobé, fors de ce qu'il avait vendu.

A respondu:

- ô Dieu que voulez vous que je vous die!

Et luy ayant faict donner le troisieme traict de corde, de mode que son corps ayant delaissé le banc sur lequel il estait estendu, ne portait plus que sur les quatre membres liez, en s'escriant à haute voix, il a prié qu'on le descendit, et qu'il dirait la verité: ce qu'ayant à l'instant esté faict, il a dict que voyant son compagnon qui dormait, le Diable luy mit dans l'ame de le tuer pour avoir tout le butin, ce qu'il fit, et despuis a changé son espee à Lyon.

-Qu il fit du corps de son compagnon.

A dit qu il le traisna au plus fort du bois, où il est encores si les loups ne lont mangé.

Ce faict, apres qu'il a perseveré, et qu'il a esté confessé par Messire Claude Laurent, Curé de Pomiers, il a esté deslivré à Jean Mareschal, maistre executeur de la haute Justice, qui sur le champ l'a conduit au lieu à ce destiné, et executé ladicte sentence selon sa forme et teneur.

CUSIN Commis.

L'histoire racontée ci-dessus est tirée du "Procès criminel" par Claude Le Brun de la Rochette, jurisconsulte beaujolais, édité à Lyon en 1619; j'ai conservé l'orthographe d'origine de la sentence, à quelques corrections près, destinées à en faciliter la lecture.

Je remercie par avance les personnes qui auraient des renseignements sur cette affaire, le lieu où elle s'est passée et ses protagonistes de me les envoyer à l'adresse suivante:

jean-louis.charvet0404@orange.fr

Jean-Louis Charvet.

 

 

 

 

 

 

 

 

Partager cet article
Repost0
30 mai 2010 7 30 /05 /mai /2010 17:31

 

 

 

 

 

POUR ANWAR AL-BUNNI,

(Etre volontairement aveugle

n'est pas être libre).

 

 

Comme il est dit dans l'Ecclésiaste, "il y a un moment pour tout et un temps pour toute chose sous le ciel". Notamment, "un temps pour se taire, et puis un temps pour parler".

 

Epictète, quant à lui, conseillait ceci, à ce sujet, dès avant la naissance du Christ : "Sois le plus souvent silencieux. Ne dis que ce qui est nécessaire et en peu de mots. S'il arrive, rarement toutefois, que s'offre l'occasion de parler, parle. Mais que ce ne soient point des premières choses venues".

 

Je suis avocat. Et tant que je souffrirai de la souffrance des autres, je pourrai parler pour eux. Parce que je considère, comme l'empereur Marc-Aurèle en son temps, que le bonheur de l'homme est de faire ce qui est le propre de l'Homme : être bienveillant envers ses pareils, quoi qu'ils aient pu faire. Cela, aussi, parce que je sais que les hommes sont faits les uns pour les autres. Et qu'il faut donc toujours œuvrer à les réconcilier. En dernière analyse, la raison d'être d'un avocat est de pratiquer la Justice. Du fond de son âme. Donc, nécessairement, de dire la Vérité.

 

La vérité, pour moi, aujourd'hui est de clamer une nouvelle fois au monde qu'Anwar Al-Bunni, mon confrère (il est avocat), mais notre frère à tous (il est être humain, avant d'être avocat) a été injustement condamné, le 24 avril 2007, par la Première Cour d'Assises de Damas, à cinq années de prison. Au terme d'un procès inique et sur la base d'affirmations aussi mensongères qu'absurdes.

 

A la même période, ont également été condamnés, tout aussi injustement, Monsieur Michel Kilo, journaliste et écrivain, et Monsieur Mahmoud Issa, professeur d'anglais et traducteur. Mais l'un et l'autre ont fait appel. Pas Anwar Al-Bunni, qui y a renoncé car il savait que la nouvelle décision à intervenir serait confirmative de la première. Alors qu'il est, à ce jour encore, maltraité en prison, après que ses gardiens l'ont, au moment de son arrestation tondu pour l'humilier ; puis, contraint à ramper à leurs pieds bottés.

 

Inscrit au Barreau de Damas, horrifié par le nombre de détenus politiques dont il se voit confier la défense et parce qu'il sait qu'on pratique le plus souvent sur eux la torture, Anwar Al-Bunni décide finalement de ne plus se consacrer qu'à leur cause.

 

S'ensuivent, pour lui et sa famille, des années terribles de surveillance policière, d'agressions physiques et d'intimidations multiples. Une campagne de dénigrement, destinée à lui faire perdre sa clientèle, est organisée. Il lui est même fait interdiction d'exercer sa profession devant certaines juridictions.

 

Mais rien n'y fait, Anwar Al-Bunni s'obstine. Il poursuit sa quête de démocratie en continuant à militer pour le respect des droits de ses concitoyens. Membre fondateur de l'Association Syrienne des Droits de l'Homme (Human Rights Association In Syria – HRAS), Anwar Al-Bunni ose réclamer, avec certains de ses confrères, de meilleures conditions de détention et des procès équitables pour les prisonniers politiques. Malgré les dangers auxquels il sait s'exposer, Anwar Al-Bunni parle aux médias, mène des campagnes de sensibilisation, s'élève contre les procès faits au député Mamun Al-Hunsi et à neuf autres prisonniers d'opinion maintenus en détention depuis septembre 2001.

 

Tant et si bien que, finalement, la Commission Européenne va lui confier, en accord avec le gouvernement syrien, la direction d'un Centre de Formation aux Droits Humains. Le premier de Syrie. En principe, tout du moins. Car ce centre ne verra jamais le jour. En mai 2006, Anwar Al-Bunni est arrêté ; puis condamné à cinq ans de prison.

 

La raison de son arrestation ? Avoir fait partie des 274 signataires de la "Déclaration Beyrouth-Damas/Damas-Beyrouth", proclamée en mai 2006 et appelant à la normalisation des relations entre le Liban et la Syrie dans le respect de l'identité de chacun de ces deux pays. Texte pacifique, apaisé et courageux s'il en est ; qui émergea dans un contexte politique défavorable à la Syrie ; alors contrainte de retirer ses troupes du Liban, après avoir été soupçonnée d'avoir fomenté l'assassinat, en février 2005, de Rafic Hariri, ancien Premier Ministre libanais, comme chacun s'en souvient.

 

Quant aux "crimes" retenus contre lui par la justice syrienne ? Ils sont au nombre de trois, tous sanctionnés par le Code pénal syrien.

 

D'abord, avoir "diffusé de fausses informations susceptibles de porter atteinte au moral de la nation". Base de cette accusation ? Avoir dénoncé, dans la presse, la mort, en prison, de Mohamed Shahaer Haissa comme il était âgé d'une trentaine d'années. Cause officielle de la mort : crise cardiaque. Tandis que le cadavre, rendu à la famille, portait en vérité de très nombreuses traces de tortures…

 

Deuxième très grand "crime" d'Anwar Al-Bunni, avoir tenté de créer, avec l'aide de la Commission Européenne, le premier Centre de Formation de la Société Civile de Syrie. Alors pourtant que ladite Syrie avait donné son accord à ce projet. Avant de changer d'avis !

 

Troisième et dernier très grand "crime" d'Anwar Al-Bunni, avoir "diffusé et calomnié des organes et institutions officielles et judiciaires" ; c'est-à-dire avoir, en vérité, accordé un entretien au quotidien "Quatari Alraii", dans lequel Anwar Al-Bunni a, encore et toujours, parlé des Droits de l'Homme et de la nécessité, pour les dirigeants de son pays, d'enfin se décider à les respecter.

 

Pour l'heure, en France, on a tendance (le Président Sarkozy le premier, d'ailleurs) à confondre, à tort, justice et thérapie. Ce faisant, on commet l'erreur de tromper les victimes en leur donnant à croire que leur douleur cessera avec le procès – à la condition, bien sûr, que la peine soit lourde pour l'accusé !

 

C'est là appeler à punir plus que la Raison ne le commande – oubliant par le fait les enseignements pourtant si précieux et universels d'Aristote, de Cicéron, de Saint-Thomas d'Aquin et de Portalis. Et c'est surtout, en vérité, desservir les victimes en les enkystant dans leur souffrance. Au lieu de les mettre sur le chemin du dépassement de leur traumatisme ; voire, du pardon.

 

Anwar Al-Bunni est aussi une victime. Mais d'un tout autre genre. Il est quelqu'un qui a courageusement choisi de combattre pacifiquement (au prix de sa liberté et au risque de sa vie) un pouvoir oppresseur, prédateur de la liberté du peuple qu'il est pourtant censé organiser, guider et, surtout, servir et protéger. Dans ces conditions et parce que nous ne sommes pas face à une victime qui réclame vengeance ; mais face à un homme seul, victime certes mais qui demande avant tout justice pour les autres, il est de notre devoir et de notre honneur, à tous, d'intervenir.

 

"A force de me défendre, j'ai fini par être haineux ; mais, si j'étais plus fort, je n'utiliserais pas une telle arme", a écrit Khalil Gibran. C'est dans cet état d'esprit, parce qu'elle est forte de ses peuples et de ses idées, qu'il appartient notamment à l'Europe (à laquelle la situation de détention actuelle d'Anwar Al-Bunni fait particulièrement affront) d'intervenir auprès de la Syrie. En s'adressant directement, puisque c'est de lui que dépend la solution, à son Président : Bachar Al Assad.

 

Pour lui rappeler qu'aucun homme ne peut, ni ne doit porter la main (lui-même ou par subalterne interposé) sur un autre. Pour lui rappeler que, de la terre souillée de sang, jamais ne sortira le moindre fruit savoureux. Pour lui rappeler qu'à la fin des fins, seuls les semeurs de Paix et de Justice mériteront leur place dans l'Histoire des Hommes. Et pour lui dire qu' Anwar Al-Bunni est déjà l'un de ces semeurs.

 

Aujourd'hui, comme le constate très justement le sociologue français Edgar MORIN (in "Résistances – Le Journal du Refus de la Misère", 17 octobre 2007), "la science, la technique, l'économie et le profit vont ensemble et créent un processus qui conduit la planète à la catastrophe. Chacun de nous peut désormais s'en rendre un peu plus compte chaque jour. Notre civilisation mondialisée détruit les anciennes solidarités individuelles et crée, petit à petit, une machine de solidarité anonyme. En Occident, quand quelqu'un tombe dans la rue, nous continuons notre chemin en nous disant que ce sont aux services médicaux d'urgence et à la police de le prendre en charge. Cette mentalité, strictement individualiste, ne cesse de gagner toujours plus de terrain. Et, ainsi, la Fraternité (universelle), pourtant inscrite sur (les) monuments (publics), en France, se meurt".

 

Nous ne voyons même pas que, ce faisant, nous sommes les artisans de tous nos maux actuels et à venir ; individuels et collectifs. Il nous faut donc faire évoluer nos cœurs. Pour que la seule vraie révolution, celle pacifique, bouleverse la société humaine dans son ensemble.

 

Nous n'avons pas d'autre choix que celui-là, à l'heure du village planétaire. L'Homme, s'il veut survivre, doit enfin devenir ce qu'au fond il n'a jamais cessé d'être : un compagnon, et non pas un ennemi, pour ses semblables.

 

Anwar Al-Bunni nous crie silencieusement cela du fond de sa geôle. Il nous dit, comme des voix s'élevèrent déjà en ce sens dans l'Antiquité contre l'esclavage, que nous appartenons tous à la même famille humaine. Et que nous devons donc sinon forcément nous aimer, au moins nous respecter les uns les autres. Et être solidaires. Et que c'est la clef pour le monde sans frontières (et, surtout, sans mur !) dans lequel nous pourrions vivre demain ; qui serait alors, peut-être, un monde meilleur.

 

Aussi vous, Puissants du monde démocratique d'aujourd'hui, qui avez sollicité vos peuples pour qu'ils vous élisent, intervenez auprès de ceux de vos homologues qui continuent à opprimer, à faire souffrir et disparaître leurs opposants. Faites en sorte que la peur ou, mieux, si possible, la compassion habite enfin tous ces dirigeants qui maltraitent impunément leurs semblables pour défendre leurs privilèges de toutes natures. Apprenez-leur que, "pour vraiment s'enrichir, il ne faut pas augmenter son avoir, mais bien diminuer ses désirs". Sauf assurément un seul : celui de s'occuper toujours, et au mieux, de ses frères humains.

 

Je ne parle pas ici pour accuser, mais pour en appeler à la conscience de chacun.

 

Ils veulent faire taire Anwar Al-Bunni ! Et ils y réussiront si personne ne le soutient. Car cet homme n'aura pas toujours la force de résister. Ils veulent le faire taire. Et moi je m'y oppose. Mais, seul, je suis si faible. Aussi, je vous en prie, unissons-nous. Ensemble nous pouvons beaucoup. Le pire n'est jamais sûr et, il faut y réfléchir parce que c'est essentiel à comprendre, le destin n'existe pas tant que la mort ne l'a pas fait naître…

 

A l'heure où je m'exprime, Anwar Al-Bunni est vivant. Cet homme n'a jamais rien voulu d'autre que le bien de ses frères en humanité. Il n'est coupable que de cela.

 

Combien de temps encore acceptera-t-on que les meilleurs d'entre nous soient maltraités par les pires d'entre nous ? A la réflexion, cette indifférence est d'autant plus méprisable, et honteuse, que nous sommes mondialement majoritaires à être indifférents ; et, donc, sommes objectivement plus forts que la minorité des oppresseurs.

 

Mais peut-être le plus convaincant est-il simplement de vous donner à entendre Anwar Al-Bunni parler à ses "juges" :

 

"Les accusations dont je suis l'objet sont pour moi des décorations que je porte sur ma poitrine et une source de fierté et d'honneur. Je sais, vous savez, et chacun sait, que je suis présenté ici, devant vous, non pas pour répondre d'un crime commis ; mais plutôt pour me faire taire et m'empêcher de divulguer et de dénoncer les atteintes aux Droits de l'Homme en Syrie. Je n'y renoncerai jamais, tant que je vivrai et tant qu'il y aura un cri de protestation contre l'injustice (Prison d'Adra, 19 novembre 2006 : Interrogatoire d'Anwar Al-Bunni, par le Premier Tribunal Pénal de Damas, siégeant à huis clos)".

 

"Moi, je ne veux pas tuer ou être tué. Je veux, comme tous les Syriens, vivre selon mes convictions, selon mes principes et mes idées. Je suis porteur d'un message : la défense de la dignité et de la liberté de l'Homme. Pour combattre les disparités, l'injustice et la torture. " (Maison d'arrêt d'Adrar, 20 mars 2007, Plaidoirie de défense d'Anwar Al-Bunni, devant la Première Cour d'Assises de Damas).

Les gens ont entendu mon message et l'ont compris, mais mon espoir est que le vôtre soit porteur du changement de la justice syrienne. Pour qu'elle aille vers sa neutralité et son indépendance, s'agissant des jugements politiques. Il est certain que nous nous présenterons tous, un jour proche, devant les tribunaux des gens et de l'Histoire

 

Et voici ce que vit probablement Anwar Al Bunni depuis qu'il est emprisonné :

 

"Lève la tête, chien… Et ouvre la bouche, que je voie. J'ouvre la bouche. (Le gardien) me demande de l'ouvrir plus. Je l'ouvre plus. Il renâcle puissamment. Trois fois de suite. Sans rien voir, je devine que sa bouche est pleine de glaire. Je sens sa tête s'approcher de moi… Il crache tout le contenu de sa bouche à l'intérieur de la mienne. Réflexe naturel, elle veut se débarrasser de ça : je suis pris d'une envie de vomir. Mais il est plus rapide que moi : il me ferme la bouche d'une main pendant que l'autre fond comme un éclair sur mes organes génitaux. Il m'attrape les testicules et les presse violemment. La douleur qui monte de mon bas-ventre me fait presque perdre conscience. Ma respiration est coupée deux, trois secondes, cela suffit à me faire avaler son crachat quand je reprends mon souffle. Il continue à m'écraser les testicules jusqu'à ce qu'il soit bien sûr que j'ai tout avalé. J'ai continué à avancer, à tourner, les yeux fermés, la tête courbée. Petit à petit, la douleur de mes testicules broyés s'est atténuée ; une sensation d'ordure s'est mise à monter en moi" (Mustapha Khalifé, ancien prisonnier politique en Syrie, "La Coquille" p. 79).

 

Je vous en conjure : faisons tous ensemble sortir Anwar Al Bunni, et ses compagnons d'infortune, de cet enfer…

 

"La seule condition au triomphe du mal, c'est l'inaction des gens de bien", aurait dit Edmund Burke. J'y ajoute qu'être volontairement aveugle n'est pas être libre, mais bien être très lâche. Honteusement lâche et égoïste.

 

Cela, toi, tu l'as bien compris : As-

Salâm aleïkoum Anwar !

 

 

T. BARTHOUIL

 

(Avignon – France).

 

Tous droits de reproduction réservés à l'auteur.

 

Partager cet article
Repost0
30 mai 2010 7 30 /05 /mai /2010 13:35

Anatole France a raconté à Cocteau qu'il avait connu un homme

dont le grand-père, allant à l'échafaud,

sous la Révolution,

avait son Sophocle à la main;

quand son tour de monter vint,

il corna la page et monta.

 

 

Paul Morand. Journal d'un attaché d'ambassade (1916-1917).

Partager cet article
Repost0
27 mai 2010 4 27 /05 /mai /2010 16:10

RUSTREL.

 

 

Dans ses landes, Rustrel végétait autrefois.

Ses femmes, dans l'hiver, en chassant devant elles,

Du geste et de la voix, de maigres haridelles,

Allaient vendre, à la ville, une charge de bois.

 

Ce bois était alors du pain noir dans la huche,

Et de l'huile et du sel. -Au pied de son rocher,

Rustrel est, à cette heure, un immense rucher,

Et Dieu bénit enfin le rucher et la ruche.

 

Mais, pour arriver là, que de temps et d'efforts,

De millions semés dans l'aride vallée,

De chefs aventureux tombés dans la mêlée!

Plusieurs, jeunes et vieux, à la peine sont morts.

 

Où tout dépérissait, maintenant tout prospère;

Où l'or devenait fer, le fer se change en or;

Rustrel n'est plus Rustrel, - Mais, pour grandir encor,

Il lui faut un chemin avec embarcadère.

 

Sur le rougeâtre sol nuancé d'un brin vert,

Le minerai partout à la surface abonde;

Là, point de galerie avec sa nuit profonde;

Le mineur, en chantant, exploite à ciel ouvert.

 

L'usine la plus basse est la première en date;

Saluons, en passant, ses toits déjà fléchis,

Ses murs, que l'on dirait de poix et de torchis!

Comme date et jalon, ici je la relate.

 

Par un chemin ferré de bavures de fer,

On descend de la route à la plus haute forge:

La voilà se cachant dans une étroite gorge!

On se croirait devant la bouche de l'enfer.

 

J'entends à pleins poumons mugir la soufflerie

Et le piston danser au gré de la vapeur;

Mais, comme à Rossini, tout ce bruit me fait peur;

De sa musique, au fait, mieux vaut la broderie.

 

Il est nuit, et la cloche a donné le signal

De la coulée. - A peine a-t-on lâché l'écluse,

Que le flot bouillonnant de l'étrange Vaucluse

Court remplir les sillons d'un jardin infernal.

 

Les servants de plonger dans le rouge Cocyte

Leur poële à longue queue et d'emplir sans retard

Les moules affamés qui réclament leur part,

Pour la rendre bientôt bas-relief ou marmite.

 

Sur le mur enfumé, soudain devenu clair,

On voit, comme au bon temps des lanternes magiques,

Passer et repasser des ombres fantastiques;

On dirait à les voir les fondeurs de Schiller.

 

Le monstre ne connaît ni fête ni Dimanche;

Comme à Saturne il faut des pierres à sa faim,

Et puis, à ses gardiens, dans ce travail sans fin,

Il faut, pour l'aborder, une pelle à long manche.

 

Mais, avant de quitter l'hospitalier vallon,

La fabrique d'acier à son tour nous appelle

Et nous montre, domptant le fer encor rebelle,

Ses fours, son laminoir, et son marteau-pilon.

 

L'homme, hélas! est soumis à bien d'autres épreuves;

Ce marteau-là, du moins, ne pile que du fer:

J'en connais, et plus d'un, qui pilent de la chair,

Sans le moindre souci des enfants et des veuves.

 

Fortuné PIN.

Apt, novembre 1860.

Partager cet article
Repost0

Présentation

  • : Le blog de jlcharvet.over-blog.com
  • : Des poésies, des histoires, etc.....
  • Contact

Recherche

Archives