. Publié dans la Revue comtadine d'avril 1927.
Pour le sixième centenaire de Pétrarque.
Sur le parvis de Sainte-Claire.
Ce jour que l'amour fit éclore
Rend son charme médiéval
Au plus beau lys de notre flore,
Aux plus doux yeux de notre val.
Il suffit que Pétrarque passe
Devant Laure, un matin d'été,
Pour fixer cette aube en l'espace
Et ce nom dans l'éternité.
Le miracle se renouvelle.
Comme la sève en nos jardins,
Cet amour divin se révèle,
Chaque avril, aux cœurs comtadins.
Par sentiment, flamme recluse,
Fleur au souffle immatériel,
Qu'on ne respire qu'à Vaucluse,
Qui tient de la terre et du ciel.
Aujourd'hui, nos filles moins vaines
De leur chimérique idéal,
Pour des idylles plus humaines
Descendent de leur piédestal.
Laure de Nove s'est mêlée
A la vie âpre du terroir;
Et l'on aime sa grâce ailée,
A la banque comme à l'ouvroir.
Parfois, prise de nostalgie,
L'oisive d'autrefois qui coud
Dans le songe se réfugie,
Cesse de coudre tout-à-coup.
Elle rêve de la Fontaine
Qui l'abreuvait de ses flots bleus,
Et de la Rencontre lointaine
Sur le porche miraculeux.
Et la légende séculaire
Qu'exalte un suranné refrain
Berce son âme populaire;
Puis, l'aiguille reprend son train.
La vieille église disparue,
Sous la pioche et les temps vainqueurs,
Ne la cherchez pas dans la rue:
Elle se dresse dans les cœurs.
Non, Sainte Claire n'est pas morte?
Et qu'importe un autre parvis,
Si la même foi nous transporte,
Et si les amants sont ravis!
De la grande aube renaissante
Maintenons en nous le décor;
A la Fontaine jaillissante
Quelle âme ne s'abreuve encor?
François, le laurier vert aux tempes,
Et la Muse au front virginal,
S'éternisent dans les estampes
Et les images d'Epinal!
Et depuis lors, à la sortie
De l'office, le cœur battant,
Dans l'amoureuse pressentie
C'est toujours Laure qu'on attend.
Paul Manivet. Avignon, 10 Mars 1927.