Extrait d'un article paru dans le journal La Mosaïque de 1837.
"Bienveillance des Turcs pour les animaux.
... Les chats sont traités à Constantinople avec encore plus de faveur. Dans chaque mosquée, on en nourrit une escouade destinée à combattre les souris et les rats, qui font la guerre aux tapis et aux nattes. La reconnaissance a même été poussée si loin, que, dans la mosquée d'Achmet, on a fondé un hôtel des invalides, un hospice, où les chats que l'âge ou les accidens ont mis hors de service ont une retraite assurée. Indépendamment des distributions faites à des heures fixes aux chats particulièrement attachés à chaque mosquée, tous les chats du voisinage trouvent, à certains jours de la semaine, table ouverte et abondamment servie; des fondations pieuses pourvoient aux frais de ces libéralités.
... Ce ne sont pas seulement les animaux domestiques qui ont part à ces bons traitemens en Turquie; car des troupes de goëlands voltigent en paix profonde et avec une confiance extrême, sur les eaux du Bosphore; et lorsqu'on débarque la cargaison de quelque navire chargé de blé, des volées de tourterelles et de pigeons ramiers viennent avec une audace singulière s'abattre sur les quais et ramasser les grains répandus, sans que personne songe à les troubler dans leur festin. Une coutume bizarre, et qui n'est pas sans charmes dans sa naïveté, place en quelque sorte cette tranquillité due aux animaux, aux oiseaux, sous une haute protection officielle. Chaque année, de temps immémorial, lorsque reviennent les mois de la chasse, quelques personnes se constituant les ambassadeurs des animaux que poursuivent les chasseurs, viennent apporter au sultan une pétition pour le supplier de détourner d'eux les dangers dont ils sont menacés: la supplique, écrite sur papier doré, est présentée par une colombe, qui la porte suspendue à son cou. Malheureusement il n'est pas toujours fait droit à la requête, mais cet usage n'en a pas moins quelque chose de touchant et n'en atteste pas moins la douceur des Turcs, que constate encore un proverbe composé sans doute par un Juif ou un Grec envieux des soins rendus aux animaux: Pour être heureux en Turquie, dit ce proverbe, il faut être turc, cheval, chameau, pigeon ou goëland."
