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27 avril 2013 6 27 /04 /avril /2013 05:27

Jean-Michel Edouard, dit Wilfranc, assassin et sorcier (Sainte Maie, Martinique).

 

Tiré de la revue La Famille du 11 avril 1880, l’article suivant sur une personnalité singulière.

Jean-Louis Charvet.

 

«  Un sorcier condamné à mort.

On répète encore, par habitude, le vieux proverbe: Nul n'est sorcier en son pays. Il serait plus vrai de dire qu'aujourd'hui l'on n'est sorcier nulle part, excepté peut-être chez les Indous, les Chinois et les Patagons. Les charlatans, sinistres ou grotesques, dont les jongleries faisaient une "peur bleue" à nos braves ancêtres, n'ont plus assez de prestige pour s'imposer à la loi, assez de pouvoir pour éviter ses justes rigueurs. Le sorcier jugé et condamné récemment par la cour d'assises de la Martinique sera bien malin s'il arrive à se tirer d'affaire.

Le 8 août de l'année 1879, un cadavre fut découvert dans une savane de notre colonie américaine; il gisait en travers d'un sentier, dans une région couverte et sauvage, où de loin en loin le voyageur rencontre, sur la lisière des bois, des cases basses et misérables.

La face était percée de trois plaies, le cou presque détaché du tronc. Evidemment l'assassin avait essayé de détacher la tête, afin de la cacher et d'empêcher que le cadavre ne fût reconnu. Il avait été interrompu dans son œuvre et l'avait laissée inachevée.

L'identité de la victime fut établie sans difficulté: c'était le nommé Florent Adrien, dit Hippolyte, homme de confiance du gérant de l'habitation Saint-Jacques, à Sainte-Marie; il était chargé d'aller à Saint-Pierre chercher le salaire des ouvriers employés par son patron. Le jour du crime, il rentrait à Saint-Jacques avec un bracelet en or, deux actions nominatives et une somme de 2.500 francs. Ces valeurs avaient disparu: le vol avait donc été le mobile du meurtre.

On était fixé sur la victime: restait à trouver l'assassin. Les soupçons tombèrent immédiatement sur le sorcier Jean-Michel Edouard, dit Wilfranc. Edouard avait été rencontré sur le théâtre du crime après la découverte du cadavre, au moment où il débouchait de la savane du bois Iboc. Nu-tête, tout mouillé, les cheveux en désordre, il avait la figure bouleversée et décomposée. Interrogé, il fit des réponses embarrassées, et l'on comprit qu'il en savait plus long qu'il ne voulait l'avouer.

On l'avait vu, armé d'un long couteau, attendre le passage d'Hippolyte dans un cabaret situé sur le bord de la route, se mettre en marche derrière lui, et s'engager à sa suite dans le sentier de la Capot. Enfin, M. de Pompignan, propriétaire de l'argent volé, parvenait, avec l'aide de plusieurs chasseurs, à découvrir au fond d'un trou qui paraissait avoir été creusé à l'aide d'un instrument tranchant, le paquet de billets de banque dont Hippolyte était porteur dans la matinée du 8. Ces billets de banque étaient enveloppés dans un chapeau en feutre noir, que plusieurs témoins se rappelèrent avoir vu sur la tête de l'accusé. De la part d'un sorcier, ces imprudences sont tout à fait impardonnables.

Jean-Michel Edouard, dit Wilfranc, fut donc mis en prison. De sa cellule, il écrivit à son père une lettre toute remplie de prescriptions de sorcellerie; ce document curieux montre que si l'accusé croyait à la vertu des incantations, il n'était pas entièrement persuadé lui-même de son innocence.

Il recommandait par exemple à son père de se mettre debout au milieu de la rivière, la face par en haut, le dos par en bas, en disant ces paroles: "Je prétends au nom de la maîtresse de la Forêt-Noire, je prétends par Belzébuth, je prétends par Lucifer, au nom de Jupiter trois fois puissant, au nom de toutes les personnes qui se trouvent sur moi, au nom des sept esprits supérieurs, que l'accusation soit chavirée et réduite en cendre et en poussière, par la force des esprits, comme au jour du dernier jugement."

Le père du sorcier devait répéter à peu près la même formule en pressant trois lézards vivants (trois mâles), en leur enfonçant derrière la tête des épingles à tête plate, en allumant trois bougies et trois chandelles posées sur trois assiettes, etc., etc.

Toutes ces pratiques n'ont pu ensorceler le jury: reconnu coupable sans admission de circonstances atténuantes, le sorcier Jean-Michel Edouard, dit Wilfranc, a été condamné à la peine de mort.

MAITRE PERRIN.”

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