Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
24 février 2013 7 24 /02 /février /2013 02:21

Deux complaintes sur un crime commis à Pertuis en 1842 (affaire Chaix).

 

Il était fréquent, dans « l’ancien temps », de composer,  diffuser et chanter en public des complaintes sur les crimes les plus atroces (l’air, souvent très connu, était indiqué avant les paroles). J’ai consacré une étude au triple assassinat commis en 1768 à Avignon par Jean-Dominique Langlade (disponible sur demande ; titre : Le triple assassinat de la rue de la Masse. Complaintes et récits sur l’affaire Langlade). Je mets à jour aujourd’hui un parricide commis par Thomas Jean Joseph Chaix, de Pertuis, âgé de 24 ans ; on en trouve le récit dans une brochure publiée par Devillario à Carpentras et  conservée à la médiathèque Ceccano d’Avignon, brochure qui contient également deux complaintes, l’une en français, l’autre en provençal, « propriété du sieur Allavena ». L’orthographe du texte provençal est antérieure à la réforme que mirent en œuvre les félibres.

J’en donne ci-dessous le texte, en précisant que Chaix fut condamné à mort par la Cour d’assises de Vaucluse, siégeant à  Carpentras,  le 12 août 1842 et exécuté sur la place de l’Hôpital de Carpentras le 17 octobre de la même année, à 8 heures du matin. 

 

Jean-Louis Charvet.

 

 

 

COMPLAINTE.

Air : A peine sorti de l’enfance.

 

A Pertuis, un crime épouvantable

Je commis ; et sans aucun remords,

A mon père, vieillard respectable,

En scélérat, je lui donnai la mort.

Plaignez ma triste destinée ;

Vous voyez que mon sort est affreux :

Que ma carrière infortunée

Soit toujours un exemple à vos yeux.

Un soir que je venais l’attendre

Pour consommer mon horrible forfait,

De loin je pus très-bien comprendre

Ces mots qu’à un autre il disait :

Oui, mon fils est un misérable,

Et je ne veux rien lui donner ;

Alors mon projet exécrable

Dans mon cœur je sentis augmenter.

Mon père, à la fin, se retire,

Et monte pour s’aller coucher ;

J’entrais avec lui sans rien dire,

Sans même qu’il pût s’en douter.

J’attendis longtemps en silence ;

Quand je pus croire qu’il dormait,

Près de son lit je m’avance :

D’un fléau d’avance je m’armai.

Je frappais de toute ma force

Sur mon père tout endormi ;

Plus cruel qu’un lion féroce :

Là mon crime ne fut point fini.

Dans les tourments de son martyre,

Il implore, hélas ! ma pitié ;

Mais, fils cruel, j’ose lui dire :

Vieux coquin, je vais être vengé.

En vrai assassin, je le traîne

Et le jette en bas de l’escalier ;

Il se relève avec peine,

Malgré le sang que je lui fis verser ;

Partout on aurait vu la trace

De mon crime et de sa douleur.

Mais, tout est vain, rien ne me lasse

Et ne saurait calmer ma fureur.

Voyant presque finir mon crime,

Je le jette encor contre le mur ;

Malgré les pleurs de ma victime,

De sa mort alors je fus plus sûr.

Je le traîne dans l’écurie

Et lui passe une corde au cou,

Pour mieux lui arracher la vie,

Je la serre avec le genou.

Quand il vit la corde préparée,

Il me dit : mon fils, laisse-moi,

Prends pitié de mes vieilles années,

Et mon bien sera tout pour toi.

Sourd à la voix de la nature,

Et n’écoutant que ma fureur,

De sa mort, enfin je m’assure,

Et j’en ressens de la joie dans mon cœur.

La Justice a vengé l’innocence,

En condamnant un scélérat à mort.

J’ai entendu prononcer ma sentence ;

Ayez pitié de mon malheureux sort.

A pieds nus, un voile sur la tête,

A l’échafaud je vais être conduit ;

Du jugement lecture sera faite :

Vous voyez où le crime réduit.

 

AUTRE COMPLAINTE SUR LE MEME SUJET.

Air connu.

 

Venès entendré lou récit d’un crimé

Que vous fara frémi d’hourrour ;

Ei Chaï, qué n’a fa sa victimou

D’aquéou qué l’y donné lou jour.

Eou, dé soun crimé espouventablé

De longtem fourmé lou proujet ;

Proujet, hélas ! ben exécrablé !

Qu’en poou de tem exécuté.

Un dimenché, vers lei sept hourou,

La femou Moungé rescountré

Jousé Chaï din la crriérou,

Et d’abord ellou l’y digué :

Aquestou nieu aï entendu toun perou ;

Bèleou y deou agué pré maou ;

Ieou sabicou pas ce qu’érou !

Aï entendu de bru din soun oustaou.

En l’enviten à ana veiré

Sé soun pérou s’érou fa maou,

Jamai ellou avié pouseu creiré

Qué siguessé mort din l’oustaou.

Douçamen Jousé piquou à la portou.

L’y disien dé piqua piu fort.

Lou repliquou d’unou voix fortou :

Sé y crou respoundrié d’abord.

Enfin, la portou n’enfounceroun,

Et quan li sigueroun intra,

Oou foun de l’establé trouveroun

Lou perou din soun sang bagna.

Avié la façou controu terrou

La cordou oou coou, un liché à soun cousta ;

Fasié frémi de l’éta qu’érou,

Avié lou cranou fracassa.

A l’oustaou de Jousé trouveroun

D’habits touteis ensanglata,

Et suffisammen prouveroun

Cé qu’avoué, maï pas sens’hésita.

Veici coumé counté soun crimé :

Quand din sa chabrou sieou mounta,

D’un escoussoun, per tua ma victimou,

D’avançou yeou m’éré arma.

Très quarts d’hourou attendegueré,

Et quand penseré qué dourmié,

Su la testou plusieurs co y douneré :

Vouyeou l’assoouma dins soun lié.

Vesen qué tout eron inutilé,

Renounçavé à moun proujet,

Et descendieou d’un pas tranquillé

Lei marchou dé l’escalier.

Moun perou vougué mé poursuivré,

Et parvengué à m’aganta ;

Facilamen mé n’en délivré,

Et ren pousqué plus m’arresta ;

Dins l’escalié lou pousseré

Coumé mé prengué per lou bras,

Estendu ou soou lou vegueré,

Et lou leisseré releva.

Vers l’establé lou tirasseré.

Et quand y sigueré arriva,

Unou cordou per hasard trouveré,

Me servigué per l’estrangla.

Per qué sa mort siguessé piu segurou

Amé lou ginoun la cordou aï sarra.

Din moun amou cruellou et durou

Mé réjouissieou dé m’estre venja.

La Justiçou, din soun sanctuérou,

A pronounça l’arrès de moun sort.

Prené piéta de ma miserou,

Car voou ben leou subi la mort ;

A pé nus, un voilou su la testou,

A l’echafaou ieou voou estré counduit.

Jouinessou, sigué toujou hounestou,

Vesé vounté lou crimé réduit.

 

 

Partager cet article
Repost0

commentaires

Présentation

  • : Le blog de jlcharvet.over-blog.com
  • : Des poésies, des histoires, etc.....
  • Contact

Recherche

Archives