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18 mars 2013 1 18 /03 /mars /2013 17:53

Nouvelles d’Algérie (1897).

J’extrais du tome 107 de La Nouvelle Revue (juillet-août 1897) l’article suivant, consacré d’une part au décret Crémieux, qui accorda la nationalité française aux juifs d’Algérie, d’autre part aux troubles survenus dans l’extrême sud de ce pays. Un exemple supplémentaire des vicissitudes que connut l’implantation française en Afrique du Nord, de 1830 à 1962.

 

« 20 juin 1897.

Les troubles, dont une partie de la province d’Oran vient d’être le théâtre, ont remis une fois de plus sur le tapis, la question de la naturalisation des israélites algériens autour de laquelle, depuis un quart de siècle, de nombreuses polémiques se sont engagées. L’actualité nous fait un devoir d’en parler à notre tour aujourd’hui, mais nous tenons à bien établir, tout d’abord, que nous apportons dans l’étude de cette question un esprit absolument dégagé de toute préoccupation confessionnelle.

On a déjà écrit, et il y aurait encore à écrire, des volumes entiers sur la matière, car elle prête à des considérations multiples, à cause des divers éléments que l’acte du gouvernement de la défense nationale met ici en présence. L’espace restreint dont dispose le bulletin colonial ne permet pas un examen complet de la situation, nous ne chercherons donc pas à l’entreprendre, nous bornant à une simple observation de principe.

Le décret Crémieux, on le sait, a concédé le titre de citoyen français à tous les israélites établis en Algérie à une époque. Or, à notre avis, c’est la trop absolue généralité de la mesure prise, qui constitue son point faible et la rend critiquable. Dans toute collectivité, à côté des éléments bons, il s’en trouve de douteux, puis aussi de pires. Cela se vérifie invariablement qu’il s’agisse de juifs, de musulmans, de boudhistes ou de chrétiens, car c’est une conséquence pour ainsi dire forcée de la collectivité. D’autre part, l’octroi de la qualité de citoyen français renferme une faveur assez précieuse, un honneur assez grand, pour que l’on doive s’assurer de la qualité de ceux qui en seront les bénéficiaires. Comment dès lors admettre que d’un trait de plume on confère cette qualité à toute une catégorie de gens sans s’inquiéter de savoir si tous la méritent. En agissant de la sorte on s’expose à singulièrement déprécier la valeur morale d’un titre ainsi gaspillé et on risque de s’attirer le reproche d’avoir voulu élever et favoriser une race au détriment des autres. En bonne logique il semble qu’en Algérie (comme cela se passe partout ailleurs) la naturalisation n’aurait dû être qu’individuelle. Cela n’eut pas empêché le gouvernement de rendre français tous les israélites africains qu’il aurait jugé dignes de le devenir et quelque grand que fut le nombre de ceux-ci. En revanche, on ne serait pas tombé dans le double écueil que nous venons de signaler, et par des décisions motivées on se fut évité de fournir des éléments à la guerre de race à laquelle nous assistons et qu’il faut déplorer grandement.

Des rumeurs inquiétantes circulent depuis quelques temps, touchant la situation de l’extrême Sud Algérien. On ne parle de rien moins que de la défection possible d’une partie des Chaâmba qui nous étaient demeurés fidèles et dont le changement d’attitude affecterait sérieusement la sécurité de nos forts avancés. Nous voudrions pouvoir ajouter foi pleine et entière aux démentis officieux qui ont répondu à ces nouvelles. Nos renseignements particuliers ne nous laissent malheureusement aucun doute sur le fâcheux état d’esprit dont sont animés à notre égard les populations musulmanes, état d’esprit que les événements d’Orient ont singulièrement aggravé. Sans doute, dans l’Algérie proprement dite, notre position est assez forte pour que nous n’ayons pas trop à redouter les suites du parfait mauvais vouloir de nos sujets annexés ; en revanche, dans les régions sahariennes, nous ne saurions prendre assez de précautions. Là , en effet, toutes les  influences hostiles s’exercent librement, nous donnant lieu de tout craindre.

Et il en sera ainsi tant que nous ne nous serons pas décidés à nous installer au Touat, et tant que nous n’aurons pas pris des mesures pour mettre d’autre part nos postes d’Extrême-Sud en relations plus rapides avec la colonie. Voilà ce qu’il ne faut pas se lasser de dire et de répéter.

Puissent nos gouvernants comprendre ces nécessités alors qu’il en est temps encore. »

J. Bernard d’Attanoux.

 

En ce qui concerne le décret Crémieux, on peut lire, avec toute la prudence qui s’impose à l’égard de Wikipédia, la page suivante :

http://fr.wikipedia.org/wiki/D%C3%A9cret_Cr%C3%A9mieux

Sur les émeutes de 1897 à Oran, voir, avec les mêmes réserves :

http://fr.wikipedia.org/wiki/Histoire_des_Juifs_en_Alg%C3%A9rie#Antis.C3.A9mitisme_europ.C3.A9en

Sur la « défection » des Chaâmba, voir :

http://books.google.fr/books?id=cHRHH7_minUC&pg=PA106&lpg=PA106&dq=chaamba+1897&source=bl&ots=iD5lg9U1I2&sig=nUFkrLyLWcsY6fXZXAomYH2w2co&hl=fr&sa=X&ei=okVHUcydF-HV0QXG3IHgBA&sqi=2&ved=0CFEQ6AEwBg#v=onepage&q=chaamba%201897&f=false

 

Jean-Louis Charvet.

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