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9 janvier 2013 3 09 /01 /janvier /2013 02:14

Du tome premier des Etudes historiques de Chateaubriand, je tire les lignes suivantes, consacrées aux festins des riches Romains, et, en particulier de l’empereur Elagabale (ou Héliogabale), qui régna de 218 à 222, et dont l’éclectisme en matière de gastronomie égalait celui dont il faisait preuve en matière de sexualité.

Le luxe des repas et des fêtes épuisait les trésors de l’Etat et la fortune des familles : il fallait aller chercher les oiseaux et les poissons les plus rares, dans les pays et sur les côtes les plus éloignés. On engraissait toutes sortes de bêtes pour la table, jusqu’à des rats. Des truies on ne mangeait que les mamelles ; le reste était livré aux esclaves.

Athénée consacre onze livres de son Banquet à décrire tous les poissons, tous les coquillages, tous les quadrupèdes, tous les oiseaux, tous les insectes, tous les fruits, tous les végétaux, tous les vins dont les anciens usaient dans leurs repas. Il se donne la peine d’instruire la postérité que les cuisiniers étaient des personnages importants, familiarisés avec la langue d’Homère, et à qui on faisait apprendre par cœur les dialogues de Platon. Ils mettaient les plats sur la table, comptant : Un, Deux, Trois, et répétant ainsi le commencement du Timée. Ils avaient trouvé le moyen de servir un cochon entier, rôti d’un côté, bouilli de l’autre. Ils pilaient ensemble des cervelles de volailles et de porcs, des jaunes d’œufs, des feuilles de rose, et formaient du tout une pâte odoriférante, cuite à un feu doux, avec de l’huile, du garum, du poivre et du vin. Avant le repas on mangeait des cigales pour se donner de l’appétit.

Je vous ai parlé de cet Elagabale à qui ses compagnons avaient donné le surnom de Varus, parce qu’ils le disaient fils d’une femme publique et de plusieurs pères. Il nourrissait les officiers de son palais d’entrailles de barbot, de cervelles de faisans et de grives, d’œufs de perdrix et de têtes de perroquets. Il donnait à ses chiens des foies de canards, à ses chevaux des raisins d’Apamène, à ses lions des perroquets et des faisans. Il avait, lui, pour sa part, des talons de chameau, des crêtes arrachées à des coqs vivants, des tétines et des vulves de laies, des langues de paons et de rossignols, des pois brouillés avec des grains d’or, des lentilles avec des pierres de foudre, des fèves fricassées avec des morceaux d’ambre et du riz mêlé avec des perles : c’était encore avec des perles au lieu de poivre blanc, qu’il saupoudrait les truffes et les poissons. Fabricateur de mets et de breuvages, il mêlait le mastic au vin de rose. Un jour il avait promis à ses parasites un phénix, ou, à son défaut, mille livres d’or.

En été il donnait des repas dont les ornements changeaient chaque jour de couleur : sur les réchauds, les marmites, les vases d’argent du poids de cent livres, étaient ciselées des figures du dessin le plus impudique. De vieux sycophantes, assis auprès du maître du banquet, le caressaient en mangeant.

Les lits de table, d’argent massif, étaient parsemés de roses, de violettes, d’hyacinthes et de narcisses. Des lambris tournants lançaient des fleurs avec une telle profusion, que les convives en étaient presque étouffés. Le nard et les parfums précieux alimentaient les lampes de ces festins qui comptaient quelquefois vingt-deux services. Entre chaque service on se lavait, et l’on passait dans les bras d’une nouvelle femme.

Jamais Elagabale ne mangeait de poisson auprès de la mer ; mais, lorsqu’il en était très-éloigné, il faisait distribuer à ses gens des laitances de lamproies et de loups marins. On jetait au peuple des pierres fines avec des fruits et des fleurs ; on l’envoyait boire aux piscines et aux bains remplis de vin de rose et d’absinthe.

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