Les articles qui suivent sont tirés du journal La chasse illustrée
de 1874. Après les avoir "saisis", je suis allé voir sur internet s'il y avait quelque chose sur cette lamentable affaire; j'ai ainsi découvert un blog très intéressant, que je vous recommande:
http://histoire-charente.blogs.charentelibre.fr/archive/2013/06/11/quand-le-loup-hantait-nos-campagnes-charentaises.html#c14079 .
L'échange de commentaires qui y figure montre bien combien le loup
reste un sujet de controverses.
Dans un autre document, j'ai trouvé deux détails
suplémentaires:
- l'un des courageux paysans, Fontroubade, se prénommait
Jean;
- le jeune garçon qui était en compagnie de la victime était son
frère; suite à cette scène atroce, il perdit l'usage de la parole (temporairement ou définitivement, je ne sais).
Jean-Louis Charvet.
" Samedi 24 octobre 1874.
Charente. On me mande de la Rochette:
Les habitants de la commune de la Rochette, canton de la
Rochefoucauld, sont plongés dans la consternation. Avant-hier, 5 octobre, une jeune fille de onze ans, du village de Villemalet, de cette commune, la nommée Marie Favraud, était occupée à
ramasser des glands sous un chêne, sur les limites de la forêt de Braconne, en compagnie d'un petit garçon, lorsqu'elle fut subitement attaquée par une louve qui la renversa et la prit à la
gorge. Le petit garçon, monté sur un chêne pour faire tomber les glands, spectateur épouvanté de cette horrible scène, poussa des cris qui attirèrent l'attention de quelques cultivateurs occupés
aux travaux des champs. Un homme courageux accourt, se précipite sur l'animal et engage avec lui une lutte corps à corps, dans laquelle il reçoit de nombreuses blessures; il terrasse la louve,
l'étreint sous ses genoux, s'arme d'une pierre à l'aide de laquelle, à coups redoublés, il essaye d'assommer son féroce adversaire. C'est alors que surviennent deux autres voisins, dont l'un,
armé d'une pioche, achève la louve d'un seul coup.
Alors on s'empresse autour de l'enfant qui gisait sanglante et
les habits en lambeaux; mais les spectateurs de cette scène inouïe dans nos contrées ne relèvent qu'un cadavre. Avant que l'homme dont nous avons signalé la courageuse conduite fût parvenu à la
dégager, la louve avait eu le temps de lui broyer la tête.
Il devient absolument nécessaire de délivrer nos campagnes de
ces carnassiers par des battues dans la Braconne et dans la forêt de Quatre-Veaux, où l'on nous signale d'autres animaux de la même espèce. Il faut rassurer nos populations, que ce triste
événement a plongées dans l'épouvante.
P.S. Nous avons vu ce matin l'auteur du trait d'audace et de
dévouement que nous venons de mentionner. Il se nomme Jean Texier, âgé de trente et un ans, domicilié à la Rochette; il est de taille médiocre et paraît doué d'une énergie remarquable plutôt que
d'une grande force physique. Dans la lutte terrible qu'il a eu à soutenir, sans armes, contre le redoutable animal, il a eu les bras meurtris par vingt et une morsures; il a reçu les soins de M.
le docteur Bourrand, médecin à la Rochefoucauld.
Celui qui est accouru, vers la fin du combat, prêter main-forte
à Texier est un ancien soldat nommé Fontroubade, âgé de vingt-huit ans, habitant le village de Villemalet. Il a reçu une morsure à un doigt et a eu l'ongle enlevé.
La louve a été apportée à la préfecture, où Texier est venu
réclamer la prime accordée par la loi.
Samedi 31 octobre 1874.
Charente. On lit dans la Charente:
On a porté à l'équarrissage le corps du loup de la
Rochette.
Cet animal énorme a été dépouillé. Détail horrible! On a trouvé
dans l'estomac des débris de la tête de la pauvre Marie Ferrand, la victime de la scène affreuse que nous avons racontée. Tout le côté droit du faciès, l'œil, le nez, l'oreille et une partie des
cheveux étaient absolument intacts. On a placé ces restes dans une boîte de fer-blanc, où tout le monde a pu les voir sur la place Saint-Martial. Cette boîte était placée ouverte auprès du loup
dépouillé, sur une petite charrette appuyée à la grille de l'église, en face de l'auberge de M. Guérin, chez lequel Texier et sa femme prenaient leur repas.
On a pu être étonné de l'audace et de la taille de ce loup. On
nous a fait observer que cet animal n'est pas de la race que l'on rencontre dans nos pays, et que ce pourrait bien être un de ceux que la dernière guerre a chassés des forêts du Nord jusque dans
nos contrées, fait déjà observé, notamment dans le Berry.
D'après les louvetiers, le loup était âgé d'une dizaine
d'années.
Samedi 28 novembre 1874.
Nous avons raconté les épisodes d'une lutte soutenue, le 5
octobre dernier, contre un loup furieux, par deux habitants de la commune de la Rochelle, les sieurs Texier et Fontroubade.
Ce dernier, qui cependant n'était survenu que vers la fin du
combat et n'avait reçu qu'une morsure au petit doigt de la main gauche, est mort jeudi dernier à son domicile, après plusieurs jours d'horribles souffrances.
C'est dans la nuit du 1° au 2 de ce mois qu'il a ressenti, dit
le Courrier de la Rochelle, les premières atteintes du virus rabique, communiqué sans doute par le redoutable animal qu'il avait contribué à terrasser.
Le malheureux Texier vient, lui aussi, de succomber victime de
son dévouement.
Il avait été amené à Charroux, où on lui avait indiqué
quelqu'un qui se faisait fort de guérir l'hydrophobie.
A peine était-il depuis deux heures dans cette localité, qu'il
fut atteint d'un premier accès de rage d'une extrême violence. Le malheureux eut encore la présence d'esprit de crier à sa femme, qui allaitait près de lui son enfant, de s'éloigner. Puis il
tomba à terre et ne se releva plus.